Bill Randall
1) Quel poste occupez-vous présentement et quel est votre titre officiel?
Je suis professeur de gérontologie à St. Thomas University de Fredericton.
2) Quelle formation avez-vous reçue?
Je suis diplômé de l’école secondaire régionale de Harvey, au Nouveau-Brunswick, et j’ai obtenu mon baccalauréat ès arts (B.A., 1972) à la Harvard University. J’ai poursuivi des études de maîtrise en études divines (M.Div., 1976) à l’Emmanuel College de la University of Toronto. Après un an de scolarité au doctorat à la Faculté de théologie de la Cambridge University, j’ai complété une maîtrise en théologie (M.Th., 1979) au Princeton Theological Seminary. Après 11 ans de ministère paroissial au sein de l’Église Unie du Canada, je suis retourné à la University of Toronto, où je me suis inscrit à l’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario pour compléter un doctorat en philosophie de l’éducation (D.Éd.) en 1992.
3) Parlez-nous un peu de votre parcours professionnel. D’où vient votre passion pour la recherche ou le travail que vous faites et comment s’est-elle développée?
Après mes 11 années de ministère paroissial, durant lesquelles j’ai servi dans des églises en Saskatchewan, en Ontario et au Nouveau-Brunswick, je suis retourné à l’université pour poursuivre des études doctorales. Ma thèse, intitulée « The Stories We Are: An Essay on the Poetics of Self-Creation » (Les histoires que nous sommes : essai sur la poétique de la création de soi), a été publiée sous forme de livre en 1995 par University of Toronto Press, ce qui a certainement contribué à relancer ma carrière (en milieu de vie) après ma transition de la pastorale au monde universitaire. À l’automne de la même année, je suis venu à la STU à titre de professeur invité à la Chaire de gérontologie et j’y suis resté depuis. J’ai occupé le poste d’agrégé de recherche pendant six ans, puis je me suis engagé sur la voie de la permanence en 2001 et j’ai été promu professeur titulaire en 2010.
Ma passion pour les recherches et la rédaction d’articles sur la « gérontologie narrative » remonte à mon enfance, lorsque j’ai découvert que les histoires ont le pouvoir de façonner nos vies; elle s’est poursuivie au séminaire alors que je me suis intéressé à la « théologie narrative »; elle a grandi de façon organique durant mes années de ministère paroissial (à écouter les histoires de tant de gens!); et s’est épanouie d’une manière très explicite dans l’écriture de The Stories We Are. Ma fascination pour la complexité narrative du développement humain, en particulier du vieillissement, s’est accrue encore davantage depuis mon arrivée à la STU et ma collaboration avec Gary Kenyon, un pionnier des méthodes narratives de l’étude du vieillissement, et Beth McKim, professeure d’anglais.
4) Parlez-nous d’un ou deux de vos projets actuels.
Avec une équipe de collègues du Centre for Interdisciplinary Research on Narrative (CIRN) de la STU, y compris Clive Baldwin, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en études narratives, je participe à un projet dans lequel nous explorons le lien entre le niveau de résilience chez les adultes âgés (« vieillissement résilient » remplaçant l’expression « vieillissement réussi », plus problématique, dans les cercles gérontologiques) et la complexité narrative évidente des histoires qu’ils racontent sur leur vie. Notre hypothèse directrice, que nous sommes en train de vérifier, est que le degré de résilience qu’une personne démontre face à des difficultés (physiques, émotionnelles, etc.) à une étape avancée de sa vie est lié d’une certaine façon au fait qu’elle possède, pour ainsi dire, « une bonne histoire solide » au sujet d’elle-même et de sa place dans le monde. Dans la mesure où cette hypothèse s’avère valide, il serait permis de croire que des interventions visant à aider des adultes âgés à raconter et à explorer l’histoire de leur vie dans des environnements sains et positifs – interventions qui représentent ce qu’on pourrait appeler de façon générale des soins narratifs – pourraient aider à accroître leur résilience devant de telles difficultés et ainsi contribuer de façon positive à leur santé physique et mentale, c’est-à-dire en augmentant leur satisfaction personnelle et leur sentiment de maîtrise sur le cours de leur existence, et en réduisant les symptômes de dépression.
J’apporte présentement les dernières retouches au manuscrit d’un livre que j’ai rédigé en collaboration avec Dolores Furlong, de l’UNB, et la regrettée Rosemary Clews, de la STU, qui sera publié (nous l’espérons) à University of Toronto Press sous le titre The Tales that Bind: A Narrative Model of Living and Helping in Rural Communities (Les histoires qui unissent : un modèle narratif de la vie et de l’entraide dans les communautés rurales). Le manuscrit se fonde sur un projet de recherche qualitative financé par le CRSH auquel nous avons participé et qui explore les expériences des gens qui travaillent dans de petites localités du Nouveau-Brunswick au sein de l’une ou l’autre de ce qu’on appelle les « professions d’aide » – l’enseignement, les soins infirmiers, la médecine, la pastorale, le travail social, etc. Dès le début, notre hypothèse était que la complexité narrative de la vie dans les communautés rurales, où littéralement tout le monde connaît les affaires de tout le monde et où le colportage de nouvelles, bonnes ou mauvaises, est endémique – pose aux professionnels, sans égard à leur discipline, un ensemble particulier de défis pour lesquels la formation qu’ils ont reçue (souvent) en milieu urbain ne les a peut-être pas préparés.
Un autre projet sur lequel je travaille dans les coulisses est la formulation d’une « théorie narrative du vieillissement ». Mais à part une communication présentée lors d’une conférence en 2010, je n’ai pas beaucoup avancé dans cette entreprise. Je prévois cependant qu’il en émergera un autre livre. Quand j’aurai pris ma retraite, peut-être!
5) Comment vos recherches ou votre travail peuvent-ils contribuer, selon vous, à l’élaboration de politiques publiques fondées sur des données probantes?
Je me considère comme un théoricien du vieillissement plutôt que comme un praticien ou un décisionnaire. (La gérontologie est « riches en données, mais pauvre en théories », ont avoué certains gérontologues.) On m’a dit que les ouvrages que j’ai écrits sur des concepts tels que « refaire l’histoire de nos vies » (Restorying Our Lives, Kenyon et Randall, 1997), « lire nos vies » (Reading Our Lives, Randall et McKim, 2008) et la « forclusion narrative » (Narrative Foreclosure, Bohlmeijer, Westerhof, Randall, Tromp et Kenyon, 2011) ont contribué à inspirer des recherches empiriques qui, au Pays-Bas, par exemple (voir Bohlmeijer et coll., 2011, etc.), ont un effet direct sur les politiques publiques sous la forme de financement des soins narratifs (Ubels, 2011). Grâce au travail de Daphne Noonan et de ses collègues sur les retombées positives des soins narratifs dans des foyers de soins du Nouveau-Brunswick, j’ai bon espoir que nous sommes sur le point d’obtenir ici des effets – et des preuves – comparables (Noonan, 2011).
6) Décrivez-nous certaines de vos réalisations passées qui ont été importantes dans votre cheminement professionnel. Ont-elles contribué à promouvoir des politiques publiques fondées sur des données probantes?
La publication de livres tels que The Stories We Are et Reading Our Lives, la codirection d’une revue intitulée Narrative Works et l’enseignement d’un cours par année sur « La gérontologie narrative » (raison pour laquelle, depuis 1995, près de 300 étudiants et étudiantes ont attrapé le « virus de la narration »), toutes ces expériences ont eu une signification particulière dans mon cheminement professionnel. Quant à savoir si elles ont contribué à l’avancement de politiques fondées sur des données probantes, outre ce que j’ai répondu à la question précédente, ce n’est pas à moi d’en juger…
7) Décrivez en quelques phrases comment vous avez participé aux activités du RRPSNB et comment votre relation avec le Réseau a contribué à votre travail ou à vos recherches et/ou aux politiques sociales/économiques.
J’ai collaboré directement avec Eric Gionet du RRPSNB ainsi que Gary Kenyon, du Département de gérontologie de la STU, et Bob Fisher, du Centre du troisième âge, à la planification et à l’animation de deux « séances de présentation et de dialogue » portant spécifiquement sur le vieillissement.
8) Auriez-vous quelque chose à ajouter, un mot de la fin?
Reconnaître la richesse et la complexité de la vie des personnes âgées – en somme, écouter leurs histoires et y faire honneur – est crucial pour leur bien-être physique et émotionnel, sans oublier pour les communautés qu’elles aiment et où elles vivent.