Nicholas Léger-Riopel
1) Quel poste occupez-vous présentement et quel est votre titre officiel?
Je suis professeur à la faculté de droit de l’Université de Moncton et avocat membre du Barreau du Québec. Je suis également professeur associé à la Chaire de recherche du Canada sur la culture collaborative en droit et politiques de la santé : http://www.chairesante.ca/ et formateur en éthique pour les étudiants en médecine au Centre de formation médicale du Nouveau-Brunswick. Je suis membre de différents comités d’éthique de la recherche (Université de Moncton, Collège Communautaire du Nouveau-Brunswick) et d’éthique médicale (Hôpital Universitaire Georges-Dumont).
2) Quelle formation avez-vous reçue?
Je suis en instance de thèse doctorale à la Faculté de droit de l’Université de Montréal sous la direction du professeur Patrice Deslauriers. Ma thèse porte sur le programme de la médecine factuelle et sa réception en droit à travers l’émergence de sources non-réglementaires d’encadrement de l’activité clinique du médecin.
J’ai complété ma maîtrise ainsi que mon baccalauréat en droit à l’Université de Montréal. Pendant mes études universitaires de premier cycle, j’ai été clerc à la Cour d’appel du Québec auprès du juge Jacques Dufresne.
3) Parlez-nous un peu de votre parcours professionnel. D’où vient votre passion pour la recherche ou le travail que vous faites et comment s’est-elle développée?
Je m’intéresse particulièrement au droit de la santé et à la responsabilité et déontologie médicale, et je suis l’auteur de plusieurs publications dans ce domaine, notamment une monographie intitulée Le contrôle de l’activité du médecin exerçant en centre hospitalier (2012) et tout récemment, un Code de déontologie des médecins- Édition commentée et annotée (2016).
Ma pratique professionnelle du droit, notamment au sein d’un cabinet dont la clientèle était formée principalement du Collège des médecins du Québec et d’autres ordres professionnels du secteur de la santé, m’a beaucoup influencé et m’a permis de développer une expérience de première main des enjeux affectant les professionnels de la santé.
À une échelle plus restreinte, mon intérêt pour la santé se manifeste notamment dans mon engagement s’agissant du secteur de la santé qui se manifeste par ma participation à différentes comités d’éthiques (hospitaliers, universitaires, collégiaux), mais également dans mon implication à titre de spécialiste de la responsabilité professionnelle, notamment dans la fondation d’un tout nouveau programme d’Ostéopathie à l’Université de Sherbrooke et d’un programme de Maîtrise interdisciplinaire en santé à l’Université de Moncton.
Cette expérience professionnelle continue de marquer profondément mes champs de recherche et la plupart de mes projets qui comportent une dimension publicatoire visent un lectorat varié formé non pas exclusivement de juristes mais également d’une variété d’acteurs du monde de la santé que sont les Ordres professionnels de tout acabit (médecins, infirmiers, sages-femmes, etc…), mais également une variété d’administrateurs du monde de la santé pour qui les considérations éthiques et déontologiques font partie du quotidien de la pratique.
Cet intérêt pour la santé se manifeste également dans la teneur des différentes équipes de recherche, nationales (Centre de Génomique et de politiques de l’Université Mcgill) et internationales (Université Paris-8, Centre Alexandre-Koyré), que j’ai le plaisir de diriger et qui ont pour objet notamment les droits de l’enfant, l’éthique de la recherche, la santé mentale et les nouvelles modalités de l’exercice de la médecine clinique.
À titre de rencontre de la rationalité (bio)médicale et de la rationalité juridique, le droit de la santé est un observatoire privilégié pour toute personne intéressée à l’épistémologie et de la façon que le droit (re)construit et perçoit la pratique médicale, et en quoi ces conceptions affectent en retour les pratiques médicales actuelles. Le droit et la médecine sont pour moi liés en profondeur et il s’agit là d’un de mes sujets de recherche plus « fondamentale ».
4) Parlez-nous d’un ou deux de vos projets actuels.
a) Léger-Riopel, Nicholas et Deslauriers, Patrice. Code de déontologie des médecins du Québec annoté, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2015.
Il s’agit du premier projet, à l’échelle canadienne, d’une édition commentée et annotée d’un code de déontologie médicale.
Ce projet, préparé en collaboration avec Me Patrice Deslauriers, professeur à la Faculté de droit de l’Université de Montréal et Me Jean-Louis Baudouin, autrefois professeur de droit et juge à la Cour d’Appel du Québec, maintenant avocat conseil dans un cabinet juridique réputé.
La collaboration avec deux sommités canadiennes et internationales du monde de la responsabilité médicale et déontologique, doublé du caractère tout à fait nouveau de l’initiative proposée, permet de pressentir un important rayonnement, notamment à l’échelle pancanadienne, d’un tel projet.
Par ailleurs, ce projet vise un lectorat varié formé non pas exclusivement de juristes mais également d’une variété d’acteurs du monde de la santé que sont les Ordres professionnels de tout acabit (médecins, infirmiers, sages-femmes, etc…), mais également une variété d’administrateurs du monde de la santé pour qui les considérations éthiques et déontologiques font partie du quotidien de la pratique.
b) Léger-Riopel, Nicholas (Université de Moncton) et Neuville, Tarik (Université Paris-8), « Les tradi‑pratiques thérapeutiques et leur reception par le droit à l’ère des chartes des droits fondamentaux » (2014-).
Je suis en cours de préparation d’un projet de rédaction d’un article, en collaboration avec un chercheur en matière de science politique œuvrant à l’Université Paris-8. Cet article porte sur les enjeux juridiques reliés à l’augmentation du phénomène dit des « tradi-pratiques », soit l’ensemble de ces pratiques thérapeutiques et sanitaires, fondées sur des savoirs traditionnels, qui peuvent être exercées en marge des services de santé étatiques chez une proportion souvent insoupçonnée des populations occidentales. Ces pratiques soulèvent des questions spécifiques telles que : s’agit-il d’un exercice illégal de la médecine ? Comment l’encadrer ? Comment les tribunaux traitent-ils des phénomènes de tradi-pratique ? Comment ces tradi-pratique sont-elles reconnues d’un point de vue des professionnels de la santé ? Lorsque ces tradi-pratiques sont adossées à une pratique religieuse, bénéficient-elles d’une protection constitutionnalisée fondée sur les droits fondamentaux ?
Cette recherche mobilisera une recherche de littérature en matière de droit mais également d’ethno-psychiatrie et d’anthropologie, à l’échelle canadienne mais également de manière à prendre en compte certaines solutions qui peuvent être dégagées d’autres juridictions en semblable matière.
5) Comment vos recherches ou votre travail peuvent-ils contribuer, selon vous, à l’élaboration de politiques publiques fondées sur des données probantes?
L’exemple de mes travaux doctoraux me vient en tête.
Je suis en cours de rédaction d’une thèse de doctorat qui portera sur la réception, en droit canadien, américain et britannique, des directives cliniques encadrant l’exercice de la médecine clinique. Cette question permettra d’aborder la question particulière du statut du soft law dans l’établissement de la responsabilité du médecin, mais pourrait tout autant bénéficier à une variété d’acteurs intéressé au statut des politiques, des directives et des guides, et de leur statut comme fondement d’obligations juridiques.
Cet ouvrage fait suite à différentes explorations, au fil des dernières années, sur la question du statut des directives cliniques en centre hospitalier, sur la question de la médecine factuelle « evidence-based medecine » et sur la question de l’analyse économique du droit. La capacité des établissements de santé de gérer l’allocation de leurs ressources médicales, matérielles, médicamentaires et humaines fait l’objet d’un grand intérêt chez moi puisque des ressources toujours plus rares dans le système de santé mènent à d’inévitables enjeux en lien avec les besoins changeants d’une population vieillissante. Cette réflexion se projette naturellement vers d’autres questions : que faire de la question de la mort médicalement, assistée ? Que faire de la question du statut des « aidants naturels » dont le rôle s’intensifie et le nombre galope à l’échelle canadienne ? Que faire du droit des usagers à un traitement face à un manque de ressource du système ?
Outre ma thèse de doctorat, je suis en cours de rédaction du premier projet, à l’échelle canadienne, de l’un des premiers projets canadiens, publiés de façon simultanée en français et en anglais, d’un ouvrage portant sur la responsabilité délictuelle des établissements de santé en droit canadien.
Ce projet de publication constitue l’extension de mes travaux de recherche en cours de publication en collaboration avec Me Marie-Ève Henrichon, avocate en droit de la santé, en cette matière. Cet ouvrage se voudra publié de manière bilingue, c’est-à-dire un volume publié en français (Lexis Nexis Canada) et un volume publié de façon simultanée en anglais (Markham).
Une étude rapide de l’offre d’ouvrages en matière de droit de la santé révèle que le type d’ouvrage projeté est manquant dans les deux langues officielles.
Seront explorés à l’occasion de cet ouvrage, une variété d’aspects relatifs à la responsabilité de l’établissement de santé. Responsabilité prendra ici une teneur riche qui déborde le simple cadre de la responsabilité civile telle que conçue dans son acception la plus simple. Les circonstances pouvant entrainer la responsabilité pénale de l’établissement pourront faire l’objet d’un traitement particulier.
Également, le rôle qu’ont reconnu les tribunaux canadiens s’agissant des directives, politiques, guides et protocoles qui encadrent l’activité du médecin permettront d’aborder le rôle de ces normes dans l’établissement de la responsabilité.
6) Décrivez-nous certaines de vos réalisations passées qui ont été importantes dans votre cheminement professionnel. Ont-elles contribué à promouvoir des politiques publiques fondées sur des données probantes?
Comme membre du RRPSNB, j’ai eu l’occasion de contribuer à une table de discussion concernant la question de la prévision du dommage fait aux enfants. Ultimement, ce processus a mené à la rédaction d’un Stratégie provinciale sur la question.
En novembre 2015 j’ai été avisé de la publication de la Stratégie pour la prévention de dommages aux enfants et aux jeunes du Nouveau-Brunswick, préfacée par notre premier ministre l’honorable Brian Gallant, à laquelle j’ai eu le plaisir de contribuer, en collaboration avec d’autres professeurs de l’Université de Moncton, notamment.
En français : https://www.gnb.ca/0073/Child-YouthAdvocate/KCYSHNB-SPDCEJNB/PreventionDommagesCausesEnfantsJeunes.pdf
En anglais : http://www.gnb.ca/0073/Child-YouthAdvocate/KCYSHNB-SPDCEJNB/ChildrenYouthSafeFromHarm.pdf
Cette Stratégie a été encadrée par le Bureau du défenseur des enfants et de la jeunesse et vise à offrir des orientations quinquennales visant à prévenir les dommages aux enfants impliquant tant la société civile, les corps politiques, que les organismes sans but lucratifs, etc. Bref la méthodologie adoptée visait à retenir un portrait varié et représentatif du Nouveau-Brunswick dans l’élaboration de cette Stratégie. « En tant que processus aboutissant à un contrat social, la table ronde avait pour but de mobiliser pleinement tous les secteurs de la société et de faire en sorte que les voix et les opinions expérientielles des jeunes en ce qui concerne les dommages causés aux enfants soient entendues et prises en considération ».
D’un point de vue très concret, cette Stratégie offre différentes avenues visant à intégrer, au Nouveau-Brunswick, les règles de droit international concernant la protection des enfants et des jeunes. Les principes directeurs adoptés sont innovateurs et englobent la dimension socioculturelle, économique et affective du concept de « dommages » pouvant être causés aux enfants.
D’un point de vue théorique, cette Stratégie offre une vision très riche du concept de « santé » et de dommages et incorpore la dimension culturelle, spirituelle et linguistique plus synchrone avec les développements récents en matière de science de la santé.
7) Décrivez en quelques phrases comment vous avez participé aux activités du RRPSNB et comment votre relation avec le Réseau a contribué à votre travail ou à vos recherches et/ou aux politiques sociales/économiques.
Le RRPSNB est un formidable outil pour le chercheur. À la fois outil de réseautage scientifique, d’organisateur d’évènements scientifique et de plate-forme de diffusion des travaux de recherche récents, le RRPSNB joue un rôle important dans ma carrière. Par ailleurs, le RRPSNB diffuse régulièrement des occasions de financement qui peuvent faire la différence dans la viabilité d’un projet de recherche.
8) Auriez-vous quelque chose à ajouter, un mot de la fin?
Je vous remercie sincèrement pour cette invitation et au plaisir de continuer de collaborer avec le RRPSNB.